L'ESCALIER TOURNANT
« L’escalier tournant et la chambre du milieu »
Notre vénérable Maître propose, en guise d’ouverture du sujet, la lecture d’une partie de la planche tracée qui en page 40 et 41 nous renvoie à la construction du temple. En effet, il est dit que pour la construction du temple du Roi Salomon, on employa un très grand nombre de maçons. Ils se composaient d’Ap. et de Cp.
« …Les Ap. recevaient chaque semaine une ration de froment, de vin et d’huile.
Le salaire des Cp.se payait en numéraire et ils allaient le recevoir dans la chambre du milieu du temple.
Ils y accédaient par le p. ou e. du côté S. Après que nos anciens FF. avaient franchi le p., ils se trouvaient au pied de l’Escalier Tournant qui conduisait à la chambre du milieu…. ».
Les réflexions se sont ensuite naturellement appuyées sur divers documents, notamment la bible et au parcours des saintes écritures afin de trouver une description de l’escalier et de la chambre du milieu.
Ainsi la Prophétie d’Ezéchiel en son chapitre 41- 7, nous dit à propos du temple du Roi Salomon :
« les chambres occupaient plus d’espace, à mesure qu’elles s’élevaient et on allait en tournant
car on montait autour de la maison par un escalier tournant. Il y avait ainsi plus d’espace dans le haut de la maison et l’on montait de l’étage inférieur à l’étage supérieur par celui du milieu ».
Dans les chroniques 9-11, il est dit : « ..Le Roi fit avec le bois de santal des escaliers pour la maison de l’Eternel et pour la maison du Roi, et des harpes et des luths pour les chantres.
On n’en avait pas vu de semblable auparavant dans le pays de Juda…. »
Enfin dans le livre des Rois au chapitre 6-8, il est précisé que « l’entrée des chambres de l’étage inférieur était au côté droit de la maison ; on montait à l’étage du milieu par un escalier tournant, et de l’étage du milieu au troisième… ».
Cet escalier que les dictionnaires définissent comme une construction architecturale constituée d’une suite régulière de marches permettait d’accéder à un étage. Il peut être en pierre, en bois, en métal, en béton ou en verre.
L’escalier peut être à montée droite, circulaire ou mixte : droit ou à l'italienne, hélicoïdal ou à vis, en colimaçon ou rayonnant, balancé à la française ou à quartiers tournants.
Sur le plan étymologique le mot escalier apparaît au XVIe siècle en français. Il est issu du provençal escalier, tiré du latin scalarium, dérivé de scala qui signifie « échelle », « escalier ». On le trouve orthographié escallier en1531. Le mot scala est rattaché au verbe latin scandere qui a pour sens « monter ».
L’adjectif tournant est défini par le Larousse comme une signification de se qui tourne, de se qui pivote, de se qui contourne ou bien qui prend à revers….
Pour nous Francs Maçons l’échelle et l’escalier ont des sens différents cependant complémentaires. Ils symbolisent la progression lente de l’apprentissage, la marche ascendante vers le ciel.
A ce stade de nos réflexions, nous comparons donc l’escalier tournant à une échelle, à l’échelle de Jacob cette dernière étant toutefois rectiligne.
Dans le rituel du premier grade, l’échelle de Jacob monte jusqu’aux cieux et repose sur le pavé mosaïque. D’une stabilité toute relative, son ascension s’effectue grâce aux appuis de nos pieds et de nos mains. La force étant fournie par nos jambes et nos bras.
La trajectoire que lui impose l’échelle, est éclairée par l’étoile flamboyante but suprême à atteindre. C’est le chemin de la foi.
Dans le rituel du second grade c’est un escalier « tournant » qui permet l’élévation ou l’ascension. En effet l’apprenti n’est t-il pas devenu compagnon grâce à son travail et à sa persévérance.
Einstein n’a-t-il pas dit que « l’escalier de la science est l’échelle de Jacob, il ne s’achève qu’aux pieds de Dieu ».
Mais au fait, avons-nous une idée sur cet escalier, sur sa forme véritable et dans quel matériau il est façonné ?
Non il semble que les textes et rituels, ne donnent pas de véritable description de cet escalier tournant.
Les tableaux de loge, tentent bien d’illustrer en image cet escalier qui dans la bible n’a pas de forme précise. Pourtant un texte plus récent présente les choses ainsi :
« On accédait au rez de chaussée par une porte sur le côté sud du temple, de là on montait à l’étage intermédiaire par des escaliers tournants, puis de même à l’étage supérieur ».
La question s’est posée sur la position de l’escalier par rapport à la chambre du milieu.
L’ambigüité de ce que l’on voit et de ce que ce que l’on lit a également été soulevée.
Cet escalier était –il à l’intérieur du temple ou bien à l’extérieur. Son accès était –il libre ou bien contrôlé ?
D’après le rituel et le tableau de loge, le Temple était réellement doté d’un escalier menant à une salle dite « chambre du milieu », et, grâce au rituel, les traducteurs de la bible ont affecté à ces éléments une utilisation symbolique précise, en rapport direct avec leurs préoccupations.
Il semble aussi que la forme particulière de l’escalier ait été suggérée par le poids symbolique de l’outil « équerre » qui, en Maçonnerie, fait partie des « trois grandes Lumières ». Il faut malgré tout reconnaître que cette forme est dotée, sur le plan graphique, d’avantages qui ont permis aux auteurs de faire partir l’escalier d’un côté de l’image (le plus souvent à gauche), pour le faire s’élever face au lecteur et pour évoquer ainsi une ascension. C’est, en termes d’effort, la forme de transition entre deux niveaux la plus économique.
L’entrée de l’escalier est donc ouverte vers l’extérieur, donnant directement sur le « chantier », ce qui laisse supposer que tous les Frères dont les apprentis pouvaient franchir cette porte.
Cependant, ces derniers étaient tuilés par le second surveillant qui s’assurait qu’ils étaient bien en possession du mot de passe.
Effectivement dans le cadre de la cérémonie de passage, l’Apprenti est initié aux mystères et secrets de ce grade. « Pour progresser de l’occident vers l’Orient, on exécute une marche de compagnon comme si on montait un escalier tournant en levant les pieds et en effectuant un trajet demi circulaire » précise le rituel.
Du point de vue symbolique, le Frère effectue un retour sur soi, ou vers soi car il doit faire évaluer le travail accompli. Pour cela il gravit l’escalier avec prudence mais assurance ayant été guidé jusque là par des frères plus expérimentés et s’arrête à un palier supérieur qui conduit à la chambre du milieu.
Là, le frère compagnon est tuilé une seconde fois par le premier surveillant devant la porte ouverte de la chambre du milieu, il peut donc voir ce qui se passe à l’intérieur de ce lieu qui comme il est écrit dans Ezéchiel, est Saint.
Ainsi le chapitre 41-13 précise « … les chambres du septentrion et les chambres du midi, qui sont devant la place vide, ce sont les chambres saintes, où les sacrificateurs qui s’approchent de l’Eternel mangeront les choses très saintes ; ils y déposeront les choses très saintes, les offrandes, les victimes présentées dans les sacrifices d’expiation et de culpabilités car le lieu est saint.
Il convient de relever que la classe intermédiaire des ouvriers (ou « du milieu » ?) avait droit d’accès à la salle du milieu, située spatialement entre une inférieure et une supérieure, comme les Compagnons le sont entre Apprentis et Maîtres. Heureuse coïncidence, pleine de ressources.
Les rituels se sont aussi arrêtés sur la notion de milieu (middle chamber), qui reprend la fonction symbolique du centre.
On comprend alors pourquoi la porte représentée au fond du vestibule est placée au centre du Tableau. La porte comme la « chambre » placée derrière sont visiblement affectées de toutes ces notions de centre, avec l’ensemble de l’aspect sacré que le symbolisme permet de suggérer.
Pour conclure nous supposerons donc, malgré les apparences et les dessins sur les tableaux de loge que le temple de Jérusalem eu été construit après l’escalier tournant qui symbolise la cérémonie de passage du Compagnon.
Le Franc Maçon, depuis son initiation a visiblement progressé vers lui-même ce qui a contribué à la construction de son « temple, de sa foi ».
Pour devenir compagnon il a du fournir les efforts et le travail nécessaires à son élévation spirituelle et humaine. C’est en se plaçant au centre et au « milieu » des choses qu’il parviendra à la Maîtrise, indispensable à la réalisation de son dessein, la réalisation de son Temple intérieur.
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Ja le 24 mars 2008. Instruction des Compagnons de la Loge Burdigala 22 à l’orient de Bordeaux.